La reprise d’entreprise est une étape clé dans la vie d’un entrepreneur. Mais une question revient systématiquement : peut-on financer tout ou partie d’une acquisition par un emprunt bancaire ?
La réponse est oui. Toutefois, comme pour tout financement professionnel, les banques exigent des garanties solides et une vision claire du projet.
Dans cet article, nous expliquons les différentes formes d’endettement possibles, les attentes de la banque, ainsi que les conditions de réussite d’un financement d’acquisition.
Pourquoi s’endetter pour racheter une entreprise ?
S’endetter permet au repreneur de limiter son apport personnel tout en préservant sa trésorerie pour le développement futur. Le levier bancaire est donc un outil stratégique, à condition que la cible présente une rentabilité suffisante pour absorber la dette.
Les trois grands modes d’endettement possibles pour un rachat
1. Endetter la société acheteuse lors d’un rachat de fonds de commerce
Dans le cas d’un rachat de fonds de commerce, la banque analyse principalement :
- La rentabilité actuelle du fonds
- La solvabilité de la société qui rachète
- Les garanties possibles (nantissement du fonds, caution, etc.)
Si les résultats sont stables et le marché porteur, le financement bancaire est généralement accessible. Le fonds racheté peut d’ailleurs servir de garantie naturelle pour la banque.
2. Endetter l’acquéreur lorsqu’il achète directement les actions
Il est possible d’endetter l’acheteur en personne physique lorsque celui-ci rachète directement les actions de la société cible.
Toutefois, cette approche est peu recommandée, car elle est défavorable sur :
- Le plan patrimonial (risque personnel plus élevé)
- Le plan fiscal (moindre optimisation des charges d’intérêts)
Dans la plupart des transmissions, cette option est évitée au profit d’un montage plus protecteur.
3. Endetter une holding d’acquisition : la solution la plus courante
La création d’une holding d’acquisition est de loin la structure la plus utilisée.
Elle permet :
- De porter l’endettement au niveau de la holding et non au niveau personnel
- De rembourser la dette grâce aux dividendes remontés depuis la société cible
- D’optimiser le montage sur le plan fiscal (sous conditions)
Ce schéma offre également une séparation nette entre le patrimoine professionnel et personnel.
4. Endetter la société cible après le rachat
Il est également possible d’endetter la société rachetée elle-même, mais uniquement après l’acquisition.
Ce type de financement peut servir :
- À refinancer une partie de l’opération
- À financer des investissements post-rachat
- À réorganiser les besoins en trésorerie
Attention : cette approche doit rester compatible avec les lois sur l’assistance financière, qui encadrent strictement la capacité d’une société à financer sa propre acquisition.
Ce que la banque veut savoir avant d’accorder un financement
Pour accorder un crédit d’acquisition, le banquier doit être convaincu à la fois par le projet, les chiffres et le repreneur. Voici les principales questions auxquelles vous devrez répondre.
1. Qui sera aux commandes ?
- Le repreneur possède-t-il les compétences nécessaires ?
- Son expérience est-elle adaptée au secteur ?
- La transition managériale a-t-elle été anticipée ?
La banque finance d’abord l’humain avant le projet.
2. Sur quel marché évolue la société cible ?
La banque analyse :
- Les tendances du secteur
- Les risques réglementaires
- Les opportunités de croissance
Un marché porteur rassure immédiatement l’établissement financier.
3. Que rachète-t-on concrètement ?
Elle évaluera :
- L’état des équipements ou de l’outil de production.
- L’existence d’actifs immobiliers.
- La structure de l’activité (clients, fournisseurs, contrats, etc.).
Plus les actifs sont solides, plus les garanties potentielles sont élevées.
4. La rentabilité actuelle et future de l’activité
La banque examine :
- Les marges
- La stabilité des résultats
- Les perspectives d’évolution
Le repreneur doit démontrer sa capacité à maintenir – voire améliorer – la performance.
5. Le prix payé est-il raisonnable ?
Le prix doit être cohérent avec :
- Le niveau de rentabilité
- Les perspectives de croissance
- Les comparables du marché
Un prix de rachat trop élevé met en danger la capacité de remboursement.
6. Les conditions de paiement sont-elles sécurisées ?
Des outils comme le Vendor Loan (crédit vendeur) renforcent la faisabilité du projet et témoignent de la confiance du cédant.
7. Les garanties proposées suffisent-elles ?
Les garanties peuvent provenir :
- Du repreneur
- De la holding d’acquisition
- De la société cible (nantissement, cautions, etc.)
Chaque banque a ses propres exigences, mais toutes rechercheront un montage équilibré.
Les ratios financiers à respecter
Un remboursement sur 7 ans maximum
Dans la plupart des cas, le cash-flow doit permettre de rembourser la dette en moins de sept ans. Une durée un peu plus longue est possible en présence d’immobilier.
Un financement limité à 70–80 % du prix d’acquisition
Les banques financent rarement plus de 70 à 80 % du prix total. Quant à lui, le repreneur doit donc fournir en général 20 à 30 % d’apport personnel ou de quasi-fonds propres (Vendor Loan, obligations, etc.).
Attention au prêt consenti par la cible elle-même
La société rachetée peut, dans certains cas, participer au financement.
Cependant, cette pratique est strictement encadrée. Le repreneur doit respecter les règles liées à l’assistance financière, sous peine de sanctions importantes.
Conclusion : s’endetter pour racheter, oui, mais avec une stratégie solide
Il est tout à fait possible de financer un rachat d’entreprise par l’endettement, que ce soit via une holding, l’acheteur lui-même ou la cible. Cependant, le succès repose sur un équilibre précis :
- Un prix raisonnable.
- Une rentabilité suffisante.
- Une structure de financement optimisée.
- Un repreneur crédible et expérimenté.
En maîtrisant ces éléments, l’acquéreur rassure sa banque et sécurise son projet de reprise.
